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Le Maréchal-Ferrant - Forgeron

Bien connu, dans nos bourgs et nos campagnes, nous évoquons cette fois un personnage lui aussi incontournable : le maréchal-ferrant, forgeron. Homme du feu et du fer, de l’enclume et des énormes marteaux, il ferrait les chevaux, construisait ou réparait les outils et en liaison avec le charron fabriquait les roues de charrette. Les tintements aigrelets de l’enclume, les odeurs acres de corne brûlée, les hennissements parfois résignés, parfois excédés, toute une animation qui se prolongeait jusqu’au bistrot du coin.

« Dès 1958 et même un peu avant, le cheval, "c’était fini", nous dit Jean Claude. Enfant, mais dans la période de l’après guerre, j’ai vu ferrer les chevaux à l’atelier paternel de Toul Ibil. Le cheval tire, c’est un animal de trait, il porte peu…si la charrette est bien équilibrée. Dans certaines régions les plateaux avaient quatre roues…donc le cheval ne supportait aucune charge.

Outre ferrer les chevaux j’ai vu aussi cercler les roues de charrette. C’était une "grande journée", quasi "historique", que cette opération qui se faisait deux fois par an environ pour quinze à vingt paires de roues. Cinq personnes, trois ouvriers et deux apprentis, les "mousses", constituaient l’équipe qui, bien organisée, allait mener à bien l’opération !

L’armature en bois de la roue était fabriquée par le charron. Il fallait un bois bien sec, un bois encore vert n’était pas stabilisé, il se rétrécissait en séchant, ce qui provoquait du jeu aux liaisons des différentes pièces.

Le cercle en fer qui constituait la couronne externe de la roue était fabriqué par le forgeron à partir de barres de 6,10 mètres de long, de 7 centimètres de large et 2 cm d’épaisseur. Mon père, Yves Bleunven, disposait d’un appareil dont le principe est le même que celui utilisé par les géomètres pour mesurer une courte distance sur les routes : il faisait parcourir le périmètre de la roue à cercler par une roulette. A chaque roue son cercle, avec son propre numéro, gare à l’erreur !
Ce n’est pas une "pillig", mais la roulette !
Cherchons le périmètre de cette table ronde!
A partir du nombre de tours effectués par cette roulette il déterminait le périmètre de la roue. Cette longueur, réduite de quelques centimètres, fixait celle de la barre de fer qui allait, une fois travaillée, cintrée, et finalement rendue circulaire, constituer le revêtement de la roue en bois. Les cintrages successifs se faisaient à froid à l’aide d’une cintreuse-rouleuse ! Les deux extrémités à joindre avaient, au préalable, été taillées en sifflet de façon à reconstituer une largeur de barre en s’adjoignant, une plaquette métallique recouvrait la zone de jonction. La soudure était alors réalisée à très haute température, au-delà du rouge le métal virait au jaune !

Comme la barre était de longueur moindre que le périmètre de la roue, le cercle de fer était donc de diamètre légèrement inférieur à celui du bâti en bois. Pour le mettre en place il fallait l’agrandir un peu, on le dilatait en le montant à haute température. Enfoui, sous près d’un mètre de hauteur de tourbe et de bois, les cercles de fer étaient portés au rouge par ce brasier entretenu par les deux jeunes de l’équipe. Les trois hommes, équipés de pinces spéciales, saisissaient un cercle incandescent et le mettait en place sur l’armature de la roue, il était important que le bois brûle peu à ce contact. Tout l’art était là ! Voilà pourquoi, très rapidement, les trois ouvriers parcouraient le tour de la roue pour l’arroser, les deux apprentis leur fournissaient de pleins seaux d’eau, il ne fallait pas traîner ! La qualité du résultat résultait d’une coordination sans faille de cette équipe !

Dernier souffle rendu, l’âme de la forge,
le grand soufflet, vit au salon, une retraite bien méritée.

Une fosse creusée à même le sol, pleine d’eau, équipée de deux supports verticaux se trouvait tout au près. Les opérateurs y plaçaient rapidement la roue cerclée de fer sur un axe en appui sur les deux supports. Ils la faisaient tourner dans l’eau de la fosse. Le métal en se refroidissant alors rapidement, se resserrait fortement sur l’armature. Des bruits secs, "clac, clac", émis par l’armature comprimée par le refroidissement du métal ponctuaient cette opération.

La liaison entre les deux pièces, cercle de fer et armature, était renforcée par des clous fichés, au travers du fer, dans le bâti en bois.

Dès l’après guerre les charrettes ont été équipées de roues caoutchoutées souvent récupérées sur les nombreux camions laissés sur place par l’armée américaine.

Puis, ces charrettes, privées de leurs brancards, ont été transformées en remorques…Le couple multiséculaire "cheval - charrette" laissait la place au nouveau venu "tracteur - remorque". »

Recueilli pour PHASE par Y.A.